Aya de yopougon, tome 4 - La revue de presse

Publié le 18/12/2008 N°1892 Le Point

Bande dessinée - Aya toujours au top

La série qui balaie les clichés sur l'Afrique revient. Décoiffant.

Romain Brèthes


La merveilleuse saga de « Aya de Yopougon » (prix de la BD du Point 2007) se bonifie encore avec le temps. Ce soap opera ivoirien met en scène une galerie de personnages remarquablement riches et complexes. L'héroïne éponyme de la série doit ainsi faire face à un professeur d'université plus qu'entreprenant. Hervé, l'amoureux transi de la belle Félicité, a toujours « le malheur pour deuxième prénom », selon la jolie expression de Rita l'amazone. Quant à Mamadou, il fait le gigolo auprès de riches femmes pour subvenir aux besoins de son fils. Mais c'est surtout d'Innocent que vient la nouveauté. Débarquant à Paris chez un cousin, il voit la dure réalité de la vie urbaine occidentale le rattraper (il découvre avec stupéfaction dans le métro que « les Blancs aussi demandent l'argent » et que la pauvreté n'est pas l'apanage de l'Afrique). C'est de ses talents de coiffeur et de créateur que viendra la lumière, puisqu'il enverra des hordes de Grace Jones vêtues de léopard à l'assaut de la capitale, au grand désarroi des maris de ces dames. Le trait lumineux de Clément Oubrerie et les dialogues débordant de vitalité de Marguerite Abouet dressent un portrait réaliste de tout ce petit monde et balaient avec un plaisir communicatif les clichés qui s'attachent encore à cette Afrique si proche et si lointaine

« Aya de Yopougon », vol. 4, de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie (Gallimard BD, 128 pages, 16,50 E).




Vendredi 05 Décembre 2008

Les tourments d'Aya

Par Adeline FLEURY
le JDD.fr
>"> C'est avec délice que l'on retrouve la belle Aya de Yopougon et tout son petit monde. On ne s'ennuie pas à la lecture de ce quatrième tome qui se décline entre pérégrinations parisiennes et cancans d'Abidjan. Rien ne manque. Du sucre, du sel, et beaucoup de poivre pour un volume plus sombre et plus profond. A déguster sans modération.

Festival d'Angoulême 2006. Le public bédéphile fait la charmante connaissance d'une jeune ivoirienne gironde et clairvoyante, sérieuse, toujours de bons conseils pour ses amies. Elle s'appelle Aya, et cette année-là, elle remporte le prix tant convoité du Premier album. Côté critique, les éloges pleuvent sur cette chronique sociale sensible, pleine d'humour et de saveur, véritable concentré de sons et de couleurs ultra vitaminées. Deux ans et trois tomes plus tard, Aya est toujours là, pétillante certes, mais avec la joie de vivre en moins. La jeune femme devenue étudiante en médecine découvre le machisme et son lot d'injustice. A l'université, elle doit subir les assauts d'un professeur de biologie vicieux qui impose à Aya un chantage malsain: soit elle se plie à ses désirs, soit elle sera recalée à ses examens.

Innocent a quitté Yopougon pour Paris

Parallèlement, on suit les pérégrinations d'Innocent, le coiffeur branché de Yopougon, parti tenter sa chance à Paris. Il connaîtra la dureté de la rue, la promiscuité des foyers de travailleurs africains avant de trouver, au black, un travail dans un salon de coiffure afro. Mais il se rend compte que Paname n'est pas l'eldorado. Et que tout quartier populaire qu'il soit, Yopougon lui manque cruellement. Et il s'en passe en son absence. La petite Félicité, confidente d'Aya, forte de son récent titre de miss Yopougon est devenue l'effigie d'une marque de produits de beauté, son visage est affiché partout dans Abidjan. De quoi attiser la convoitise de son paysan de père qu'elle connaît si mal. Normal, le vieil homme a vendu sa fille lorsqu'elle n'était qu'une enfant aux parents d'Aya.

D'autres problèmes noircissent le quotidien du petit monde d'Aya mais pour une fois, la bonne Aya ne sera pas à l'écoute. Elle est trop occupée à échafauder une vengeance à l'encontre de son horrible professeur de biologie. Si le propos est plus dur, plus profond, plus noir, que dans les tomes précédents, le tragique est habilement habillé d'humour, avec une langue toujours aussi pimentée, celle de l'Ivoirienne Marguerite Abouet. Quant au trait expressif du dessinateur Clément Oubrerie, il s'enrichit d'une gamme plus sombre, plus glacée, conférant aux séquences parisiennes une puissante densité dramatique. Malin, poétique, sensible, ce quatrième tome est fidèle au reste de cette brillante série. Tout simplement humain.

Aya de Yopougon, tome 4, Marguerite Abouet, Clément Oubrerie, Gallimard, 16,50 euros.






Aya de Yopougon - tome 4
La critique
[evene]
La note evene : 4/5La note evene : 4/5 par Mikaël Demets

Bienvenue à Paris ! Innocent, sosie ivoirien de Michael Jackson - si, si ! - débarque dans la capitale hexagonale. En plus de rendre cet album encore plus dense qu’à l’accoutumée, Marguerite Abouet profite de cette incartade parisienne pour donner une nouvelle ampleur à son récit. Les nuits à la belle étoile, les foyers d’accueil, les patrons véreux, le travail au noir, les combles minables loués hors de prix… La scénariste, sans jamais se départir de son humour, utilise le décor parisien pour doubler son intrigue d’une dimension sociale jamais caricaturale. Parallèlement aux (més)aventures métropolitaines d’Innocent, Aya et compagnie continuent à s’embrouiller au pays. Derrière l’ambiance sémillante et colorée de la Côte d’Ivoire, Marguerite Abouet esquisse les contours d’une société que l’on n’a finalement jamais eu l’occasion d’approcher de si près. Imbroglios amoureux ou histoires plus tragiques sont traités avec la même légèreté intelligente, qui permet à l’auteur d’aborder tous les sujets, même les plus graves (abus sexuel, autorité paternelle dictatoriale), avec une aisance étonnante. Drôle, souvent sarcastique et pleine de dérision, la trame d’‘Aya de Yopougon’ trouve en plus dans le dessin insouciant de Clément Oubrerie le soutien idéal. Quelques dictons exotiques désopilants pour compléter le tableau, et nous voilà sans doute avec entre les mains, le volume le plus accompli de la série.





Didier Pasamonik - ActuaBD

Abouet et Pahé, talents d’Afrique

Avec la parution de son quatrième volume, Aya de Yopougon de Marguerite Abouet et Clément Oubrerie (Gallimard, collection Bayou), distingué dès 2006 par le Prix du premier album à Angoulême, apparaît de plus en plus comme une évidence, une grande œuvre chorale qui fait découvrir l’essence africaine avec complexité et intelligence, mais surtout avec une vitalité sans égale qui recombine la tradition avec les codes importés du monde occidental.

Chez Abouet, la chronique sociale est précise, documentée, imprégnée de comédie (on pense à Albert Cohen ou à Pagnol), écrite dans une langue telle qu’on la parle en Afrique et qui surprend par son invention, sa couleur et son authenticité. Ce grand succès de librairie (déjà 140.000 exemplaires vendus) qui doit également au dessin discret mais en même temps très habile du Parisien Clément Oubrerie, devrait se confirmer avec ce quatrième tome qui met en scène Innocent, « coiffeur pour dames stylées », venu à Paris pour y faire carrière. Il ne tardera pas à découvrir que la vie à Paname est « dure comme un caillou ». Les aller-retour entre l’Europe et l’Afrique renforcent encore davantage l’effet de décalage de ce récit passionnant truffé de rebondissements et de scènes cocasses.

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Marguerite Abouet et Clément Oubrerie recevant leur prix en 2006.
De g. à dr. Benoit Mouchard, Jean-Marc Thévenet, Marguerite Abouet, Clément Oubrerie et Lewis Trondheim. Ph : D. Pasamonik (L’Agence BD)

La saga du quartier de Youpougon ne devrait pas s’arrêter là puisqu’un dessin animé devrait en être tiré dont le script a été présenté au dernier Festival de Cannes et dont le producteur n’est autre qu’Autochenille productions, la maison de prod de Joann Sfar et de… Clément Oubrerie.

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Aya de Yopougon T4 : Innocent, "garçon stylé" fringué comme Michaël Jackson, decouvre Paris
par Marguerite Abouet et Clément Oubrerie ’Gallimard, coll. Bayou)






BD - AYA DE YOPOUGON #4, de Abouet & Oubrerie

Après 3 tomes passés dans le quartier de Yopougon, en Côte d’Ivoire, cette nouvelle aventure se divise entre la pluvieuse et toute grise ville de Paris et la lumineuse Abidjan. Un contraste très rigolo et saisissant, qui casse les illusions d’Innocent, garçon coiffeur récemment émigré. Côté Yopougon, la pauvre Aya paye le calme des premiers tome de manière un peu abrupte… Ça surprend ! Reste que l’humour et la dérision sont toujours très présents, notamment à travers 2 pages de roman-photo jubilatoires. Superbe.
En deux mots : Innocent de Paris
De Marguerite Abouet & Clément Oubrerie, aux éditions Bayou-Gallimard - 128 pages - 16,50 €

Wartmag






Aya de yopougon, tomes 1 à 3 - La revue de presse

« D’origine ivoirienne, Marguerite Abouet raconte l’Afrique de son enfance, loin des guerres, de la famine ou du sida. On rit beaucoup à la lecture de cette chronique tendre et pleine de verve, émaillée d’idiomes rigolos, qu’illustre avec fraîcheur le dessin de Clément Oubrerie. »
Lire

« Un vrai coup de cœur. »
Le Figaro

«C’est malin, hyper vivant, sensible et très humain, dans une VO ivoirienne fort poétique.»
Libération

«Chauffe le cœur et brûle l’iris.»
«Aya captive comme une savoureuse tranche d’Afrique, loin des clichés. »
Elle

« Un document hors pair sur la société ivoirienne de la fin des années 70… »
« Une expérience profonde (qui) dépayse complètement le lecteur hexagonal sans qu’il se sente
étranger à ce qui se joue. »
Le Figaro Littéraire

« Un festival de sons et de couleurs, une BD vitaminée à la bonne humeur. (…)
Aya, c’est l’Afrique sans ses plaies, mais avec toutes ses couleurs, qui éclatent, brûlées de soleil, dans des planches tout en rondeurs où l’œil a l’impression de caresser les peaux sous le bariolé des tissus »
Le Point

« Un ton pétillant d’humour.»
« Une chronique urbaine, lucide et généreuse, sans tape-à-l’œil, mais avec le souci du détail juste. »
A Nous Paris

« Une chronique sensible et pleine d’humour. À dévorer d’urgence.»
Je Bouquine

« Il se dégage de ce livre une sincérité et une douceur de vivre à « l’africaine » rare dans notre domaine. »
Bulldozer

« Une chronique sociale sensible, pleine d’humour et de saveur.»
Le Journal du Dimanche

« Aya regorge de personnages savoureux et de péripéties pétillantes. C’est souvent drôle, parfois poétique»
Télérama

« Des chroniques de vie, simples et réalistes, mais qui sont contées par l’ivoirienne Marguerite Abouet avec un talent tel que le récit en devient unique. Les dialogues, assaisonnés de ce nouchi (argot ivoirien) qui est un régal pour tous les amoureux de la langue de Molière, sert admirablement les dessins du français Clément Oubrerie. Très fidèle à la réalité
et à l’esprit abidjanais, cette philosophie de vie qui mêle humour, dérision, vitalité et amour des figures de style, ces histoires parlent à tous les publics. »
Africa International

« La langue, sensuelle et poétique, rafraîchit ; ce visage de l’Afrique ensorcelle »
Rolling Stone


> AYA OF YOP CITY (Aya 2 en anglais)

PW's Best Books of the Year

by PW Review Staff -- Publishers Weekly, 11/3/2008

“May you live in interesting times” is a quote commonly attributed to Confucius, probably erroneously, but Robert F. Kennedy did use it in a speech in 1966, adding a rueful twist: “Like it or not, we live in interesting times....” Regardless of your thinking on these current times, they are certainly anything but boring, and we feel the same about the books published this year.

Comics

Aya of Yop City
Marguerite Abouet and Clement Oubrerie (Drawn & Quarterly)
Abouet's funny and lighthearted story about life on the Ivory Coast in the late 1970s continues an affectionate look at a bygone lifestyle.


Aya of Yop City
Creators: Marguerite Abouet, Clement Oubrerie
October 13, 2008
COMICS REPORTER

I don't know that there's a more pleasurable new comics reading experience out there available to you than the two Aya books from the team of Marguerite Abouet and Clement Oubrerie, Aya and it recent sequel Aya of Yop City. The second book continues the first's exploration of overlapping lives in an Ivory Coast community in the late 1970s. It can be outright funny as it picks at its character's broadly-played appetites and delusional behavior, and the reading experience remains genial even when skirting along the edges of darker subject matter. The full-color artwork is frequently pretty enough that you'll almost certainly revisit certain pages and panels after reading the story a first time; the establishing shots in particular are lovely, pull-out-the-stops efforts. I could read one of these a month like friends of mine have devoured the entirety of Armisted Maupin's San Francisco saga in serial fashion. It's perfectly measured entertainment of its kind. There's even a twist ending.

Where Aya of Yop City differs from Aya is that Abouet and Oubrerie no longer get a boost based solely on revealing the cleverness of their central idea, their use of soap opera as a sociological excavation tool. That element remains, for sure. There's even a welcome but obvious reference to the television show Dallas, if you had any doubts as to the authors' general intent. Why the new book succeeds I think is that it continues the bouncy tone of the first volume but intensifies its use of familiar narrative structure to peel back the layers of life in Yop City not just to the secrets and ambitions of various characters, but into what those things say about these characters' lives and prospects for happiness. When Bintou invests a portion of herself into a secret romance, we know from watching years of these kinds of stories that there's probably something not-right about the whole affair. She sure doesn't, though, and the innocence of it, the hopefulness behind it, breaks your heart a bit and makes you question just how many options are open to her. The suggestion I felt was being made is that those elements of interest and excitement in various characters lives are the exact things that restrain and immobilize them. Even Aya, the calm center around which flit many of the narrative's more flamboyant characters, can be seen to rattle a bit against the cage-like aspects of her father's concerns for her future.



>AYA (Aya 1 en anglais)


« The charming story of a smart teenage girl and her boy-crazy friends, set in Abidjan, Ivory Coast, during a period of peace in the 1970s. »

Publisher’s Weekly
Best of List 2007 (Aya)

«Abouet’s lovely graphic novel about coming of age as an African teenage girl in the ’70s is a reminder that life in Africa is always hard, but not always misery, war and squalor. »
Montreal Mirror
Best of List

« Best European book: Aya by Marguerite Abouet and Clément Oubrerie. An African expatriate and a Parisian artist tell charming slice-of-life story set in the Ivory Coast. »
Panels and Pixels
Best of List

« This engaging graphic novel about an older teen girl who is frustrated by less-forwardthinking friends and family is strengthened by memorable characters and universal emotions. »
Booklist
Editor’s Choice 2007

« Abouet, who was raised in Ivory Coast, has attempted to create something very brave in Aya - an
intimate portrait of the African world that exists outside the glare of the media spotlight.
Occasionally it works. Oubrerie’s artwork is exacting; he sends the characters dancing and flirting and sweating through a backdrop of ochre and violet, and allows them little pause. »
Boston Globe

« The tones match the wry humour of the writing. »
The Guardian

« Writer Marguerite Abouet and artist Clément Oubrerie deliver a fun and quick-witted tale of teen pleasures and troubles as the sensible Aya watches with fascination while her friends outwit their parents and sometimes even themselves in pursuit of fun times. »
Metro News

« Aya is more than just a good comic book. It’s a historical document, a window into the recent past of a country whose better days weren’t so long ago. It’s a testament to the inherent humanity that crosses race and geographic borders. »
Newsrama’s Best Shots

« Despite geographic and cultural differences, teenage girls (and boys) display common foibles, strengths and dreams, and Aya left this reader yearning for the next chapter in the lives of these vibrant and vivacious characters. »
Miami Herald

« Marguerite Abouet weaves her tale with a rich sense of character and a keen eye for detail, the two elements that invariably separate good melodrama from mere soap opera. She doesn’t call attention to the specifics of life in the Ivory Coast; rather, she wraps her characters in subtle detail and lets them fulfill their roles at a natural pace, allowing incidental business to keep the eye busy while the story unfolds. »
Comics Journal

Zazie dans le métro - La revue de presse

"Clément Oubrerie se tire habilement de l’exercice de l’adaptation en parvenant à garder dans cette version dessinée du roman de Queneau toute la saveur et la vigueur de l’oeuvre d’origine. Facétieuse et dégourdie, sa Zazie dégage une fougue qui inonde les soixante-dix pages de cet album au rythme trépidant. L’esthétique est en parfaite adéquation avec le dynamisme de la petite provinciale venue passer quelques heures dans la capitale. Oubrerie dessine un monde totalement différent de celui qu’il développe pour ‘Aya de Yopougon’ : son trait se fait plus nerveux, collant astucieusement à la personnalité de son héroïne. Les couleurs, expressionnistes, évoluent au fil des nombreux changements de ton de l’intrigue, qui passe de la fable légère aux inquiétantes histoires de meurtre ou d’abus sexuel en un claquement de doigts, le crayon d’Oubrerie devenant alors rageur et sombre. De Queneau, le comparse de Marguerite Abouet a su tirer toute la sève sans en perdre une miette. Les mots du cofondateur de l’Oulipo sont bien là, tantôt farfelus, tantôt poétiques, louvoyant entre différents niveaux de langage, si bien que l’on se demande même quelles scènes Oubrerie a-t-il bien pu couper tant il ne semble rien manquer. Un album enlevé, qui dénote un vrai travail d’adaptation. En pleine mode du recyclage des oeuvres littéraires en bande dessinée, c’est à signaler. Et à féliciter."

Mikaël Demets
La note evene : 4/5La note evene : 4/5



Prendre des risques

INTERVIEW DE CLEMENT OUBRERIE

Propos recueillis par Mikaël Demets pour Evene.fr - Juin 2008

Interview de Clément Oubrerie | Vidéo : la leçon de dessin


Après Agnès Maupré, Mathieu Sapin ou Pascal Rabaté, Clément Oubrerie, le crayon de la série 'Aya de Yopougon', se plie au jeu de l'adaptation pour la collection Fétiche de Gallimard. Il a porté son choix sur 'Zazie dans le métro' de Raymond Queneau, et propose la version bande dessinée d'un texte cinquantenaire qui n'a pas pris une ride.


Clément Oubrerie a désormais fait son trou, et, il l'avoue lui-même, a maintenant gagné l'immense privilège de choisir ses projets. Le résultat est plutôt réussi : 'Moot-Moot', la série d'animation qu'il réalise avec Eric et Ramzy, vient de remporter le prix de la Meilleure série au Festival d'Annecy. Côté animation, il travaille actuellement avec Joann Sfar sur l'adaptation du 'Chat du rabbin' et prépare celle d''Aya de Yopougon', succès critique et public du rayon bande dessinée dont le quatrième volume est en cours d'élaboration. Et comme il s'ennuyait un peu, il livre en ce mois de juin un travail en solo, l'adaptation du texte de Raymond Queneau en bande dessinée.

Lire la critique de 'Zazie dans le métro'

Pourquoi avoir porté votre choix sur la Zazie de Queneau ?

Je suis un grand admirateur de Boris Vian depuis l'adolescence. Au point d'avoir lu, à l'époque, tout ce qu'il avait écrit, mais aussi de m'être intéressé à toutes ses vies parallèles : il était ingénieur, chansonnier, musicien amateur, et a même réalisé quelques petits films. J'étais très sensible à son art, au collège de pataphysique (1), et donc aussi à Raymond Queneau, qui évoluait dans cette sphère. Adapter 'Zazie…', c'était une façon de me rapprocher de cette période de l'après-guerre que je trouve fascinante, avec tout ce qui tournait autour de Saint-Germain-des-Prés, ce vivier de talents et de créations.


Pourquoi ne pas avoir directement adapté Vian ?

Je ne me sentais pas de faire du Vian. Je pense que c'est très difficile à mettre en bande dessinée. J'avais même essayé une fois, pendant mes études, c'était extrêmement délicat. Peut-être devrais-je réessayer aujourd'hui ? 'Zazie…' par contre s'y prête très bien : c'est un récit linéaire qui se déroule sur un week-end. J'aime beaucoup cette manière qu'a l'intrigue de démarrer sagement, et ensuite de partir complètement en vrille. L'effet de surprise du récit est très réussi.



'Zazie dans le métro' a déjà été illustré, adapté au cinéma également. Cela vous a compliqué la tâche d'avoir ces images en tête ?

C'est très difficile en effet. J'ai fait exprès de ne pas revoir le film de Louis Malle, mais le mal était fait parce que j'ai dû le voir étant gamin et je m'en souvenais très bien. J'ai vraiment eu un problème pour me débarrasser de Noiret, qui était très présent dans ma tête quand je faisais les recherches pour Gabriel. J'ai dû me résigner à prendre un modèle vivant pour ce personnage, afin d'avoir une image plus forte que la précédente. Il y avait aussi une version illustrée publiée chez Gallimard, par Jacques Carelman, que je n'ai lue qu'après avoir achevé la mienne. Sans faire exprès, j'ai pris le contre-pied de sa version, puisqu'il avait mis en avant le pan fantastique du récit. Moi j'ai travaillé sur le réalisme, sans effets spéciaux : le texte a déjà tant de niveaux de lecture, tant de richesses qu'il ne faut pas en rajouter je pense. Le meilleur moyen de profiter du second degré dans 'Zazie…', c'est de rester dans le premier degré. Il y existe enfin une autre version avec des illustrations de Blachon. Mais Blachon a une telle personnalité que c'est facile de ne pas faire du Blachon.


Comment fait-on pour respecter au mieux le récit sans tomber dans le texte illustré ?

J'ai pris le problème de manière plus générale, en travaillant sur la structure plutôt que sur les dialogues. Il fallait que ça rentre dans le format de la bande dessinée, poussé à soixante-dix pages, ce qui est déjà beaucoup au vu de critères bassement commerciaux. Il a fallu que je travaille sur la structure : je ne devais garder que ce qui était vraiment indispensable au récit. A moi d'adapter le rythme à celui de la bande dessinée, qui permet par exemple des cases sans texte. Je n'avais évidemment pas la prétention de réécrire Queneau : quand j'ai changé le texte, c'était à cause des coupes qui demandaient une réécriture pour la cohérence. Mais je n'ai pas cherché à couper ni à réécrire. Par contre j'ai dû élaguer : dans un roman, il peut y avoir une scène de vingt pages dans une cave avec trois personnages qui discutent. En bande dessinée, non : à la troisième page le dessin n'apporte plus rien, et il faut réfléchir à une autre solution.


Comment avez-vous abordé la langue de Queneau ?

Ce langage m'était familier, donc il ne m'a pas causé de difficultés particulières. Le texte est imagé, mais le roman ne comporte aucune image. On n'y trouve aucune description de Paris, et Queneau nous laisse même dans un flou total : dès qu'un des personnages dit où ils se trouvent, un autre le contredit. C'est une supercherie, Paris est très mouvant. C'était amusant d'essayer de montrer Paris sans le montrer. Quand les personnages se promènent en voiture par exemple, on les aperçoit dans la voiture mais on ne sait pas où ils sont. Ainsi ils peuvent se chamailler pour savoir s'ils dépassent la Sainte-Chapelle ou le tribunal de commerce. Cela permettait une grande liberté pour la mise en images.


Quelles étaient les principales différences entre ce travail à partir d'un texte et votre travail avec un scénariste ?

Avec Marguerite (Abouet, scénariste de 'Aya de Yopougon', ndlr), le processus de travail est différent : sa manière d'écrire est déjà une petite bande dessinée, elle travaille en pensant à la pagination et au découpage. Cette base est finalement proche de la bande dessinée qui en sortira. Alors qu'avec 'Zazie…', on part d'un texte littéraire. Cela représente beaucoup plus de travail que de partir d'un scénario, un vrai travail d'édition complètement nouveau pour moi. On doit transformer la nature du projet, passer d'un roman à une bande dessinée, et le roman n'a pas du tout été écrit pour ça. Environ les deux tiers du texte originel disparaissent dans mon adaptation. J'ai dû réaliser une première version de cent vingt pages, puis une de quatre-vingt-dix, et enfin celle-ci, de soixante-dix pages. C'est plus fatigant !


Avez-vous appris quelque chose avec ce nouvel exercice ?

J'apprends tout le temps. Si l'on n'apprend rien en faisant une bande dessinée ou une illustration, ce n'est pas la peine de la faire. Je ne cesse d'apprendre dans le dessin, dans la mise en scène. Pour 'Zazie…', je tenais à réaliser les couleurs moi-même, mais je ne voulais pas refaire les couleurs d'Aya. J'ai donc fait un effort de recherche pour m'en éloigner et proposer autre chose. Il n'y a rien de plus ennuyeux que les recettes éprouvées et les méthodes trop rodées. La chose intéressante dans un projet comme celui-ci, c'est de prendre des risques. Même sur 'Aya', ça ne se voit pas forcément, mais on change les méthodes d'un album à l'autre. Un dessin qui se reproduit lui-même est un dessin mort. Un dessin intéressant est un dessin qui change, qui ne cherche pas à représenter le réel. Copier une photo, un gamin de 12 ans appliqué et patient peut le faire très bien. Tout ce qu'on appelle "réaliste" dans la bande dessinée réaliste, sauf dans le cas de graphistes exceptionnels comme Moebius, ne présente aucun intérêt au niveau du dessin. C'est de la fabrication d'images sans remise en question. Il faut essayer d'appliquer une liberté dans le cadre assez contraignant du récit, essayer d'avoir une idée par case. Ce n'est pas le cas, mais dans l'idéal c'est ça : une idée par case.


Qu'en est-il d''Aya' ? Le quatrième tome est en préparation ?

Il est entièrement écrit, entièrement découpé, je commence demain ! On va vraiment se donner les moyens, puisqu'on part trois semaines à Abidjan : je vais faire des dizaines de dessins et prendre des milliers de photos. Il me faut une nouvelle base d'images : j'ai épuisé celles que j'avais avec les trois premiers tomes. J'ai besoin de nouveau matériel. En attendant, une partie de l'histoire de ce nouvel album se déroule à Paris, donc je vais déjà pouvoir commencer en attendant le départ.


C'est bien, Zazie vous aura entraîné...

Oui, ça me fait une bonne base. Et puis dans le 'Aya', l'histoire se passe dans le métro. C'est un peu 'Aya dans le métro'. En fait je mens quand je dis que je veux faire quelque chose de nouveau à chaque fois… (rires)


Pour finir, où en est l'adaptation cinéma d''Aya' ?

La boîte de production en charge du 'Chat du rabbin' de Sfar, que j'ai cofondée avec Joann, s'occupe du projet. 'Le Chat du rabbin' est en cours de fabrication, 'Aya' lui n'est qu'au stade du financement. Ce sera donc un film d'animation, l'adaptation des deux premiers albums, je pense. On mettra en avant les acteurs, puisque la première chose que l'on fera sera l'enregistrement des voix. On espère pouvoir lancer la production l'année prochaine et le sortir en 2011…



(1) Définition d'Alfred Jarry : "La pataphysique est la science des solutions imaginaires, qui accorde symboliquement aux linéaments les propriétés des objets décrits par leur virtualité."







"Chez Gallimard sort également ces jours-ci une bande dessinée adaptée de Zazie mise en images par le très doué Clément Oubrerie. Il y a toujours une ambiguïté qui consite à vouloir adapter en bande dessinée un monument de la littérature. Pour quelle raison décliner Zazie ? Parce que c'est une sorte de jeu de rôles supplémentaire, c'est la centième variation possible (le centième exercice de style), une centième modulation pour une même partition. Le texte est magnifiquement restitué, le dessin y est savoureux et les dialogues toujours aussi truculents ; c'est un exercice de montage du texte comme on l'aurait fait pour le cinéma. C'est réussi et c'est drôle. Être adapté en bande dessinée est une façon singulière de caracoler dans la postérité. Bien que Queneau parlait de celle-ci en termes choisis : "A la postérité, j'y dis merde et remerde et reremerde."

Véronique Ovaldé
Page


Zazie dans le métro

mere_des_victoires.jpgPar Clément Oubrerie d’après Raymond Queneau.pasmal.jpg

Gallimard, 15 €, le 19 juin.

La mère de Zazie ayant décidé de passer deux jours avec son nouveau jules, elle laisse sa fille à son oncle Gabriel dès leur arrivée à Paris. Le tonton est décidé à balader sa nièce aux quatre coins de la capitale, mais Zazie, gamine effrontée aux réparties fulgurantes, s’en fout : ce qu’elle veut, c’est aller dans le métro ! Lequel est en grève… Commence alors une farandole entre sites touristiques et Paris by night, ponctuée de rencontres hautes en couleurs. En 1959, Zazie dans le métro fait de Raymond Queneau, membre du Collège de Pataphysique et futur cofondateur de l’OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle), un véritable auteur populaire. Cinquante ans plus tard, son roman n’a pas pris une ride et reste un ouvrage viscéralement réjouissant, notamment grâce à des dialogues d’une richesse rare, faisant poétiquement se rencontrer un français littéraire et la langue de la rue. Ce livre est d’autant plus appréciable aujourd’hui qu’il explose avec énergie tous les carcans du politiquement correct ! Le trait fin et la mise en scène dynamique de Clément Oubrerie collent parfaitement à cette liberté de ton. Délaissant pour un temps Aya de Yopougon - l’excellente saga ivoirienne qu’il signe avec Marguerite Abouet chez le même éditeur -, le dessinateur reste d’une grande fidélité au texte original de Queneau tout en imposant son style graphique. Dès les premières images, il nous lie aux pas de Zazie et à ses attachants compagnons de vadrouille. Un bonheur !


Bodoï




Moot Moot

Les Moot-Moot, qui habitent la merveilleuse cité de Mootown, c'est la goguenardise des Groseille alimentée par le compte en banque des Le Quesnois. Dilettante de l'adultère et alcoolique à ses heures, Berthe, qui fut mannequin d'un jour pour Karl Lagermoot, n'a pas son pareil pour malmener son Bernard de mari, patron d'une entreprise de production de gazon. Michel, qui se rêve guitariste dans un groupe sataniste, est une espèce de bête à claques ricanante, une frange lui masquant son regard que l'on suppose vide. Quant à Zinédina, elle aime, selon le dossier de presse, « les grandes sagas littéraires comme celles que l'on peut lire dans Voici, Gala ou encore Public ».

Créée et interprétée par le duo d'humoristes Eric et Ramzy, qui prêtent leurs voix aux personnages des parents, cette série diffusée en clair profite de l'élégante palette de Clément Oubrerie, auteur de livres pour enfants."

Jean-Jacques Larrochelle
Le Monde





Aya de yopougon - La revue de presse dans les internets

Rubrique en cours de construction parce qu'il est tard mais j'ai plein de liens à mettre ici très bientôt (cliquer)...

-Evene

-Afrik.com

-RFO
-Du9.org (1)

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